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La Grande Migration des Helvètes, Musée de Morat

La Grande Migration des Helvètes, Triptyque, fusain sur toile de lin, 140 x 165 cm, 2015

Présentation

Ce travail a été réalisé en 2015 dans le cadre d’une exposition temporaire au Musée de Morat intitulée "Frontières", qui réunissait les œuvres de 20 artistes contemporains et des objets historiques explorant la notion de frontière. Cette réalisation laissée en prêt au Musée de cette ville demeure dans la salle qui réunit les objets celtes et romains. Les trois toiles assemblées occupent l’espace d’une grande fenêtre. Comme une fenêtre sur l’histoire.

La Grande Migration des Helvètes, Triptyque, fusain sur toile de lin, 140 x 165 cm, 2015

Exposition "Frontières", Musée de Morat, 2015

Texte du catalogue: Dessiner au charbon ces fumées noires, ces nuages de poussière soulevés par 368'000 Helvètes qui brûlent tout pour partir vers l’océan. Peindre le cliquetis des soldats, les convois de femmes, d’enfants, de vieillards. La bataille de Bibracte : 100'000 morts. D’un côté Divico, de l’autre César qui ouvre ici sa Guerre des Gaules, premier écrit de l’histoire suisse, premières frontières posées. La peinture peut aussi être parfois un combat : au terme de la bataille, reconstruire un monde nouveau.

Mit Kohle den schwarzen Rauch und die Staubwolken zeichnen, ausgelöst von den 368'000 Helvetiern, die alles verbrennen, bevor sie Richtung Ozean aufbrechen. Das Geklirre der marschierenden Soldaten malen, den Tross der Frauen, Kinder und Greise. Die Schlacht bei Bibracte, 100'000 Tote. Auf der einen Seite steht Divicus, auf der anderen Caesar, der hier seinen Gallischen Krieg eröffnet. Das erste Schriftzeugnis der Schweizer Geschichte legt die ersten Grenzen fest. Auch die Malerei ist manchmal ein Kampf: Am Ende der Schlacht gilt es, die Welt neu aufzubauen.
 

La Grande Migration des Helvètes, Triptyque, fusain sur toile de lin, 140 x 165 cm, 2015

Acte 1

Les Celtes en mouvement

01 La Grande Migration des Helvètes - panneau de gauche.jpg

Acte 1: Divico à la bataille d'Agen en 107 av. J.-C., premier épisode historique mettant en scène un Helvète identifié comme étant le chef des Tigurins, l'une des composantes de ce peuple celte. C'est la protohistoire: il n'y a pas de frontière clairement identifiée, pas d'écriture. Refus de toute limite, les frontières qui se traversent... Chose peu connue: les Helvètes n'habitaient pas la Suisse, mais peut-être le Würtemberg. Il y avait bien sûr des habitants en Suisse avant que les Helvètes n'y arrivent: civilisation de Hallstatt et princes de Châtillon, civilisation de la Tène et des Oppida, etc... Mais l'histoire commence par la confrontation entre Celtes et Romains sur fond de pression germanique: les Helvètes sont poussés à émigrer au Sud.

"Ma réflexion avance, en voici quelques bribes..."

 

Au départ du travail (extrait d’une lettre à Ivan Mariano, conservateur du Musée de Morat)

»Ma réflexion avance, en voici quelques bribes pour te mettre sur la voie. Le projet final sera bien sûr plus simple que ce qui suit:

Le titre pourrait être "Divico". J'avais pensé aussi à "Limes", ou encore "Le début de l'histoire", car je souhaite traiter du moment où s'établit la frontière entre la préhistoire et l'histoire. Il s'agit d'un tableau pseudo-mythologique, dont le thème est un peu Grand genre et grandiloquent, mais qui sera peint avec un style sobre et abstrait qui soit plutôt celte que gréco-romain (voir mon travail à Mézières).»

 

Acte 1

La grande migration: la bataille

La Grande Migration - détail panneau du centre

Acte 2: Divico lors de l'émigration du printemps de 58 av. J.-C.. Divico, ambassadeur des Helvètes, veut convaincre César d'ouvrir la frontière. Le début de l'histoire suisse commence avec le désir d'émigration des Helvètes, de casser les frontières. Même si cela n'a pas pu être choisi comme mythe fondateur. Mais c'est pourtant sublime de justifier la raison d'être d'un pays par le désir de le quitter? Défaite contre les Romains à Bibracte. Victoire des frontières: les Helvètes sont ramenés manu militari et immobilisés par des frontières que leur impose César. Défaite de l'art celte qui doit accepter les codes de l'art gréco-romain (voir les pièces de monnaie entre style gréco-romain et style celte).

Acte II

Brûler tout et partir!

La Grande Migration des Helvètes - panneau central

Acte III

Arva vacua = les champs vides...

Acte III: des champs de bataille aux "champs vides"

Mort de Divico et début de l'histoire. La Suisse actuelle se retrouve romaine et de l'autre côté du Limes. Les premières frontières du Limes semblent avoir été de simples zones défrichées dans la forêt contrôlées par des tours en bois, et au-delà desquelles résidaient les "barbares" et les terres inconnues. Plus tard, au Ier et au IIème siècle, les empereurs romain, dont Claude ou Hadrien, retraceront le Limes avec des palissades en bois, des talus, puis des murs en pierres et des fortins. J'ai trouvé ces mots pour parler de la frontière: "arva vacua": les champs vides. Ce serait aussi un joli titre, mais on s'éloigne.

La Grande Migration des Helvètes-panneau de droite.jpg

La frontière comme vide: peut-être mes toiles à peindre... Mon projet: une série de toiles de 180 cm de haut (ou équivalent, c'est la dimension de mes peintures-volets exposés à Mézières) assemblées avec des charnières sous forme de paravent (faisant aussi penser à un triptyque ou polyptyque). Peut être peint recto-verso. Le paravent sépare une salle ou un espace en deux.

Possibilité (qu'en penses-tu?) de disposer d'un côté des objets celtes et de l'autre des objets romains... A discuter

Tout cela est encore très touffu et barbare. Je dois débroussailler, mettre des "limites", les "Limes".... Pour cela, il faudra que je commence la peinture proprement dite: la peinture a toujours pour moi la vertu de simplifier des idées trop cérébrales. »

"La scène s'achève par un silence plus lourd que les clameurs et plus horrible que les cris des gens qui meurent." – Cyril Jacquiard

 

 

A l'occasion d'un atelier d'écriture. des collégiens se sont laissé inspirer par les œuvres du Musée de Morat: l'un d'entre eux est resté longuement face à La Grande Migration.

"Les flammes, les cris qu'on devine. La foule qui s'enfuit définie par une masse indistincte de visages formant un seul corps qui souffre et qui piétine ce qui reste de la chair des morts qui pourrissent à même le sol. Au loin, la poussière masque ces hideux hommes de fer aux cœurs de pierre qui ont lâché à vive allure la faucheuse pour taillader la vie. La scène s'achève par un silence plus lourd que les clameurs et plus horrible que les cris des gens qui meurent. C'est la vie qui s'est tue car la guerre voulait parler mais puisque c'est un dialogue de sourds, il n'y aura plus aucun bruit."

Cyril Jacquiard, étudiant au Collège du Sud, 28 mai 2018.